vendredi 18 avril 2008

Beaucoup de bruit pour rien, suite et fin


Quel magnifique exemple de manipulation... Alors qu'il y a quelques jours l'opinion générale (et la mienne) était de vilipender le clan dEUS pour pratiques mercantiles inacceptables, les tables ont tourné, et c'est maintenant le journal Le Soir (et en particulier l'inénarrable Thierry Coljon) qui est tourné en ridicule. Après toute une série de cafouillages mineurs, qui a culminé avec cette magnifique affaire du gribouillis-qui-n'est-pas-vraiment-une-signature, on apprend via le site du Morgen (journal néérlandophone a aussi brisé l'embargo) qu'une seconde séance d'interviews, non soumises à ces conditions, est organisée le 18, soit ce vendredi.

Je vais donc arrêter d'évoquer cette stupide histoire, qui aura apporté deux enseignements : d'abord, on pouvait le prévoir, une grande partie de l'industrie du disque n'est composée que de marchands de tapis sans scrupule : ces 25 000€ sont quand même scandaleux en soi. Ensuite, le comportement du journal Le Soir (ou plutôt de sa rédaction incapable de gérer correctement la situation), mons prévisible, est inquiétante, car n'obéissant à aucune logique. Ce n'est pas la première fois qu'un média censé être indépendant et de qualité perd les pédales, et ce ne semble pas être un coup de mou momentané : la tendance perdure.

Et ça, ce n'est pas bon non plus.

lundi 14 avril 2008

Beaucoup de bruit pour pas grand chose : l'”affaire” dEUS vs/& Le Soir


On savait depuis longtemps que Tom Barman avait la grosse tête, mais là on atteint des records. Les médias n'ont pas le droit de révéler la tenue des interviews avec le groupe avant le 15 avril (enfin, Barman, quoi, qui les autres sont n'a plus vraiment d'importance depuis que Trouvé et Carlens sont partis, il y a déjà bien longtemps) sous peine d'une astreinte financière de 25 000€.

C'est le journal Le Soir qui a révélé l'info via son blog Frontstage, en annonçant qu'ils ne parleraient pas du groupe, et juste un peu après la date fatidique. Ils vont même jusqu'à censurer le titre de l'album. Mais un peu plus tard, le même journal change d'avis, et décide de briser l'embargo, au risque de payer cette astreinte. Forcément, l'affaire prend de l'ampleur, certains quotidiens suivent le mouvement (De Morgen) tandis que d'autres refusent (De Standaard).

Qu'en penser? Evidemment, une telle initiative de la part de Barman/dEUS/Universal est inacceptable, et peut clairement mettre en danger la liberté de la presse. Mais ce qui est nettement plus questionnable, c'est le fait que Le Soir annonce un boycott presque total, pour finalement publier l'interview (deux jours avant la date de levée de l'embargo), et donc, contenter tout le monde : ses lecteurs, certes, mais aussi finalement dEUS et Universal. En effet, l'interview est passée, et avec nettement plus de bruit que prévu, ce qui ne devrait pas faire du mal aux chiffres de vente (de l'album et du journal). Et si, en plus, Universal empoche les 25 000€, la situation win-win sera totale. Enfin presque, parce que la crédibilité de certains médias en prend un (nouveau) coup.

La position du Soir manque cruellement – et c'est un comble! - d'honnêteté intellectuelle, alors que le représentant du Télémoustique a, quant à lui, simplement refusé les termes du contrat, et donc l'interview. Même si je n'ai pas souvent été tendres avec eux, je trouve que c'est l'attitude la plus intègre.

Au début de l'histoire, je pensais moi aussi ne pas parler de l'album, mais finalement, ce serait ça, la restriction de la liberté d'expression : ne pas donner son avis sur un disque que je trouve d'ailleurs assez moyen.

Tout cela n'empêchera pas Vantage Point de se vendre, ni à la masse de touristes mal informés d'assister à leur concert de clôture de Rock Werchter 2008, mais, à une époque où certains artistes tentent de trouver une nouvelle direction durable, il est navrant de voir que d'autres considèrent leur public comme des moutons au portefeuille rempli. J'espère qu'il se rendront compte de leur erreur.

Oh, et l'album? Je l'ai écouté “par hasard” (amusant de voir les résultats qu'on peut obtenir en tapant “dEUS + Vantage Point” sur Google), et non seulement on va encore se demander si Barman a abadonné son génie en Espagne en enregistrant The Ideal Crash, mais en plus, ça va se vendre, c'est assez consensuel (pour être poli) pour ça.

Bref, beaucoup de bruit pour pas grand chose, une fois de plus.


Sources et références : le billet original et la justification du changement d'avis (Frontstage), l'assez prétentieux édito de la rédac' chef du Soir, la fort mièvre interview en question et les observations de Serge Coosemans.


Edit : depuis l'écriture de ce billet, un nouvel article a été publié sur le site du Soir. “Il (Thierry Coljon, journaliste) s’exécute dans l’urgence, contraint par le chantage mais en apposant un gribouillis qui n’est ni sa signature ni son paraphe.” Là, on est vraiment dans le ridicule le plus total. Un gribouillis? C'est une blague?


vendredi 7 mars 2008

Trent Reznor vs The Record Industry, part III


Il avait prévenu. D'abord, lors de sa séparation peu amicale avec sa maison de disques Universal, ensuite, de manière plus sybilline, lors d'un message bloggé il y a deux semaines : ”two weeks”.

Lundi 3 mars était le jour de la concrétisation. Sans tambour ni trompette, Reznor annonce la disponibilité du nouvel album de Nine Inch Nails, Ghosts I-IV. On a dit que la sortie de In Rainbows allait révolutionner la manière dont la musique est vendue, ce fut en fait un gros pétard mouillé (mais un pas vers la bonne direction, quand même). Ce que Reznor a fait ici est nettement plus crédible et efficace. Petite description avant explication.


Ghosts I-IV, quadruple album instrumental (36 morceaux, un peu plus de deux heures), est disponible en cinq éditions, toutes via ghosts.nin.com.

Nous avons :

* Ghosts I, la première partie, en téléchargement gratuit et qualité excellente (pas seulement “un peu mieux qu'iTunes”, Jonny Greenwood). En plus de le mettre à disposition sur nin.com, Reznor l'a personnellement uploadé sur The Pirate Bay, mais aussi sur des trackers Bittorrent privés.

* Pour 5$ (avantage pour les Européens, tout ça, même si les frais d'envoi des versions physiques sont élevés), on peut télécharger les quatre parties, même qualité (FLAC, ALAC et mp3 320 kb/s) accompagné d'artwork digital complet et très soigné.

* Ajoutez 5$ et vous aurez en plus un double cd chez vous, à partir du 8 avril. Ca fait environ 7€ pour un double cd. Dommage que les frais d'envoi font plus que doubler le prix de vente.

* L'édition spéciale à 75€ consiste en un double cd (et le download immédiat), un dvd des morceaux en multipistes, permettant les remixes (on en reparle tout de suite), et un blu-ray de l'album accompagné en images.

* Enfin, l'édition limitée ultra luxueuse propose tout cela dans un superbe coffret avec en plus l'album en vinyl lourd, des lithographies exclusives, et signé par Reznor. Les 2500 exemplaires (à 300$) sont partis en quelques heures.

On pourra éternellement gloser sur la valeur des deux derniers packages, mais on ne dira pas que l'album n'est pas distribué au plus grand nombre. Contrairement à Radiohead, on peut avoir un vrai cd pour pas cher, et en attendant des mp3 (ou FLAC) d'excellent qualité.

De plus, le quaduple vinyl et double cd seront vendus en magasin à partir du 8 avril. Il sera intéressant de comparer les prix, et de voir si les revendeurs oseront maximiser leurs profits, déjà parfois étonnamment élevés. Il faut des moyens pour monter une telle opération, c'est évident. Reznor en a accumulé suffisamment pour se le permettre, il reste qu'il n'était pas obligé du tout de le faire : sa masse de fans aurait sans aucun problème claqué 20€ pour un nouvel album.

Il ne l'a pas fait, et a effectué un pas de géant vers la transformation de cette vieille machine dysfonctionnelle. Un tel contrôle de l'artiste sur son oeuvre permet aussi un modèle de distribution différent : on ne doit plus attendre le feu vert des exécutifs pour sortir un disque ; Reznor a déjà annoncé que Ghosts IV ne sera pas le dernier.

Encore un élément plus spécialisé, mais tout aussi important. Ghosts I-IV est rendu disponible via une licence particulière Creative Commons, permettant la distribution, l'échange et la copie de l'album ainsi que son altération dans des remixes, par exemple. En résumé, tant que vous ne vous faites pas passer pour son auteur, vous pouvez faire ce que vous voulez de l'album, y compris le diffuser en P2P sur Internet. C'est une première pour un artiste majeur.

On ne peut qu'espérer la prolifération de tels business models (pour être grossier), en attendant, Reznor mérite vos 10$ (au minimum), et les miens. Au minimum. L'album? Excellent, on en reparlera très vite.

lundi 28 janvier 2008

Radiohead - In Rainbows CD2



On aurait tendance à s'y perdre, et ce serait dommage, remettons donc un peu les choses en place. In Rainbows est d'abord sorti en téléchargement à prix choisi par l'utilisateur, quelques semaines avant sa sortie physique, le 31 décembre dernier. On ne peut maintenant plus le télécharger de cette manière, il faut passer par des services payants de download, de type iTunes. Mais entre les deux modes de diffusion, Radiohead a proposé aux fans le discbox, édition luxueuse comprenant l'album en cd et double vinyl, de l'artwork tangible et virtuel, et aussi - surtout? - un second album avec huit morceaux inédits. Vu que le box est sold out, il n'y a plus de moyen légal de se procurer les morceaux (si ce n'est l'évident ebay), et c'est d'autant plus dommage qu'ils valent très largement le déplacement.

Il ne faut pas parler de second album, car il est court : 27 minutes, 8 pistes dont deux courts instrumentaux. Ce ne sont pas non plus des "faces B" dans les différents sens du terme, mais plutôt des morceaux aboutis, joués en concerts, qui ne collaient cependant pas avec le concept In Rainbows, ce qui se vérifie à l'écoute. MK1 ouvre le disque, une courte intro basée sur les notes de Videotape. D'ailleurs, si l'on écoute numériquement les deux disques l'un après l'autre, il n'y a pas de pause, comme si le deuxième disque était la suite de In Rainbows, ce qui est une théorie discutable, mais qui peut tenir la route.

Si c'est la suite, alors, c'est une suite nettement plus expérimentale. IR, on le sait, est un album relativement classique, et plutôt positif en terme d'ambiance. Down Is The New Up, premier vrai morceau ici, aurait pu s'y retrouver, mais son ambition (et son titre) aurait attiré trop d'attention. Carrément cinématographique, il prend toute son ampleur épique avec l'arrivée des cordes, avant que Thom Yorke se mette à chanter très haut. Certainement un des meilleurs morceaux sortis par Radiohead en 2007, mais qui aurait effectivement sonné bizarre sur l'album. Last Flowers aurait pu aussi y être, mais en concurrence probable avec l'immense Videotape. Oui, c'est encore une lamentation classique piano/guitare de Yorke, mais qui reste notable par sa simplicité et son absence totale de programmation. De l'autre côté du spectre, Bangers 'n Mash est menaçant, et démontre les talents de batteur de Phil Selway ainsi que l'inventivité toujours incontournable de Jonny Greenwood. Et pour faire encore plus différent, Up On The Ladder, quant à lui, est totalement trippant, grâce (ou à cause?) d'un beat hypnotique et des claviers ensorcelants.

Le dernier morceau dénote aussi de l'ambiance d'In Rainbows : 4 Minute Warning dépeint les actions et pensées d'un être humain, quatre minutes avant une catastrophe de type nucléaire. Pas bien drôle, mais au moins, on retrouve autre chose que le Radiohead de All I Need. Pas qu'All I Need soit mauvais, bien sûr...

Le statut de ces morceaux reste donc étrange, et toujours en suspens en attendant une éventuelle sortie officielle. Reste que quiconque est un peu intéressé par Radiohead ou In Rainbows se doit de les dénicher, car passer à côté serait une erreur.

mardi 25 décembre 2007

Pour enterrer 2007, suite et fin


The_White_Stripes_Icky_ThumbLes grosses machines ont un peu boudé 2007. En attendant REM, U2 et Metallica pour 2008, on a quand même eu Nine Inch Nails et le très électro Year Zero, Foo Fighters avec un album très, euh, Foo Fighters et Queens Of The Stone Age, qui, a défaut se se rapprocher de l'extraordinaire brillance de Songs For The Deaf, essaie de se renouveler, avec un certain succès. Jack & Meg White, quant à eux, ont repris leur panoplie de Page/Plant/Mo Tucker pour un album incendiaire, le plus intense de leur discographie déjà très riche. On notera aussi un très bel album de Ben Harper, dont l'émotivité à fleur de peau se rapproche de plus en plus d'un Elliott Smith, dont la compilation de raretés New Moon est aussi très recommandable. Pearl Jam étant en pause méritée après une superbe tournée européenne, Eddie Vedder transforme avec brio son premier essai cinématographique : la BO du dernier Sean Penn, Into The Wild. Déjà nominé aux Golden Globes, Ed pourrait enfiler un smoking et aller chanter aux Oscars. Dans un même registre folk/qui vient du coeur, And, de Jonah Matranga, est une réussite totale : l'ancienne légende de la scène hardcore de Sacramento démontre sa sensibilité et ses talents de songwriter.

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La surprise/découverte de l'année? Battles, sans aucun doute. Formé autour de l'ex-Tomahawk/Helmet John Stanier, Battles est un nouveau groupe de rock. Ou plutôt un groupe de nouveau rock. Un rock trafiqué, loopé, filtré mais qui reste organique et très intéressant. Ils détiennent le futur entre leurs mains, et on peut leur faire confiance. On citera aussi Reuben, pas une découverte en soi mais un trésor caché d'un groupe qui restera sans doute maudit toute sa carrière. À l'inverse, les deux albums de Korn auront déçu. Untitled est parfois décent, mais le Unplugged pousse très loin la barre du ridicule absolu. Heureusement que Unsane et Down étaient là pour lever bien haut l'étendard du metal gras qui tache et qui fait plein de bruit. Down qui prouve d'ailleurs que Phil Anselmo est un des plus grands vocalistes de tous les temps, même si on ne peut pas s'empêcher de penser à un certain gâchis. Toujours dans le registre métallique, Serj Tankian nous a présenté Elect The Dead, premier album solo entre SOAD et Danny Elfman, et débarassé de l'embarassante présence de Daron Malakian. Inclassable, Oceansize impressionne encore et toujours, avec l'implacable Frames. On notera aussi l'ovni bruyant Pyramids.

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J'aurai aussi, à titre personnel, découvert l'impressionnante scène punk française, gravitant autour de Guerilla Productions. Dolorès Riposte, Justin(e) et surtout Guerilla Poubelle sont les principaux représentants d'un mouvement qui n'a rien à envie à son vieil ancètre californien, Punk=Existentialisme valant bien les meilleurs Bad Religion. Et toujours dans l'hexagone, j'ai été conquis par le live de Daft Punk, qui transcende les albums studio pour en faire la plus grande fête de l'univers.

On a aussi beaucoup parlé de nouvelles technologies et de téléchargement, avec, entre autres, une loi française très sarkozyste, la fermeture illégale et finalement pathétique du plus grand tracker musical BitTorrent et, surtout, les entreprises de Trent Reznor et Radiohead. L'avenir nous dira si c'est vraiment la voie du futur, mais on va vers la bonne direction, celle où les artistes, et leur art peuvent enfin être considérés.

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Mais évidemment, c'est In Rainbows qui a surpris et conquis 2007. On savait que Radiohead avait terminé l'album, et allait bien finir par le sortir, mais avoir l'annonce officielle dix jours avant sa sortie, c'était absolument inouï. On passera bien vite sur les quelques ratés inhérentes à une entreprise si novatrice pour retenir que l'album lui-même est splendide, plus un pas sur le côté qu'une évolution à la Kid A, mais avec quelques morceaux magnifiques.

Je n'ai absolument pas la prétention de parler de tout ce qui était bien en 2007, je vais encore découvrir plein d'albums dont j'aurais du parler, et tant mieux, d'ailleurs. Cette collection d'albums est très loin d'être exhaustive, mais je comptais simplement développer un peu plus que d'habitude, et sortir du carcan des longues listes impersonnelles. Oh, et pour la question qui serait fatalement tombée, mon album préféré de 2007? Beyond ou Lust Lust Lust, selon les jours. Sans doute Beyond, en fait.

Bonnes fêtes, ne gaspillez pas, et à l'année prochaine.

mardi 18 décembre 2007

Pour enterrer 2007, première partie


J'ai pensé plusieurs fois à la manière de présenter ma rétrospective 2007. Clairement, je ne voulais pas de classement, parce que c'est juste complètement stupide : une année de rock n'est pas un championnat de football. Un top 10 amélioré et commenté sera publié chez Pinkushion, je vais donc écrire quelques lignes ici sur ce qui m'a intéressé cette année. (ma propre définition de "quelques lignes").

TheGoodtheBadandtheQueen
L'année a commencé vite et fort, confirmant Kaiser Chiefs comme plus grand groupe bourrin actuel : leur performance à Werchter était plus indigeste que quatre jours de bouffe de festival. Idlewild et The Cooper Temple Clause, deux des meilleurs groupes britons de cette décennie ont sorti deux albums pas fort terribles, ce qui a d'ailleurs entraîné le split des seconds, alors qu'Idlewild, récemment coupable d'un mauvais best of, ne semble pas mieux se porter. Klaxons a enflammé début 2007 avec le meilleur album nu-rave d'une année où on était censer danser avec tout. Mais avec un Enter Shikari peu subtil et Justice quand même bien lourd, le soufflé est vite, trop vite retombé. Damon Albarn a, une fois de plus, sorti un grand album avec The Good The Bad And The Queen, alors qu'on s'interroge toujours sur la survie de Blur. Quant à Bloc Party, le jury ne s'est toujours pas mis d'accord, comme pour Arcade Fire, d'ailleurs.

BotT-Proper
On est d'accord pour Kings Of Leon, par contre, qui a sorti un troisième album très solide et qui pourraient avoir une très belle carrière devant eux, qui force le respect de leurs pairs et du public. Du respect, Nick Cave en a à revendre, et le risque pris par son projet très vicieux Grinderman paie, surtout si on le compare avec le médiocre Stooges, sorti en même temps. 2007 aura d'ailleurs connu son lot de reformations, certaines excitantes (Rage Against The Machine, My Bloody Valentine, Jesus And Mary Chain) d'autres carrément sans intérêt (Billy Corgan et son groupe dont je refuse de citer le nom). La meilleure nouvelle venant encore d'une Kim Deal qui refuse de détruire la légende de Pixies, tout en préparant un nouveau Bredeers pour 2008. Ce qui n'empêche que Frank Black, rebaptisé Black Francis, a enfin sorti un solo semi-décent. Maynard James Keenan aurait pu garder son Puscifer pour lui, ceci dit, et continuer à se moquer d'Axl Rose (Chinese Democracy sort le 12/02/08, c'est même Amazon qui le dit. On y croit, on y croit...)

DinosaurBeyond
Mais le retour de l'année, et peut-être son meilleur album, c'est Dinosaur Jr. J Mascis, légendaire brûleur de cordes, avait continué l'aventure solo après les départs de Lou Barlow et Murph, mais sans atteindre les sommets des late-eighties, où Bug et You're Living Over Me étaient des manuels de parfait petit grunger. La famille s'est reconstituée et le nouvel album est totalement ahurissant de réussite. Par contre, Mclusky ne se reformera sans doute jamais, Jon Chapple s'étant exilé en Australie. Falco, quant à lui, a formé un nouveau groupe, qui s'est bien vite rendu responsable d'un des meilleurs albums de l'année, rien que ça. On entendra parler de Future Of The Left, tout à fait digne de son glorieux ancêtre.


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2007 fut aussi, et encore, une année Arctic Monkeys. Favourite Worst Nightmare s'est moins bien vendu que le premier album (dont le record a déjà été battu) mais il est plus aventureux et plus personnel. De plus, des rumeurs parlent déjà d'un nouvel album pour mi-2008, ce qui en ferait trois en un peu plus de deux ans. S'ils arrivent à passer le syndrome Be Here Now, ils rentreront définitivement dans la légende. Outre les Monkeys, quelques groupes qui avaient connu beaucoup d'intérêt ces dernières années ont sorti un petit nouveau : Black Rebel Motorcycle Club, qui prouve qu'ils sont là pour durer, ou encore Biffy Clyro : plus classique mais tout aussi bon qu'avant.

Lust_Lust_LustOn est aussi fort surpris du Manic Street Preachers : Send Away The Tigers est carrément leur meilleur album depuis dix ans. Pas trop difficile, c'est vrai, mais parfois, on se contente de peu. Par ailleurs, The Hives prouvent qu'ils sont capables de survivre sur le long terme, avec déjà une quinzaine d'années de carrière. The Black And White Album voit des productions de Jacknife Lee et Pharrell Williams amplifier leur son, sans le renier. The Raveonettes, connus auparavant pour leurs exercices de style et la dette qu'ils ont envers la pop des fifties ont carrément sorti un des meilleurs albums shoegaze jamais enregistré, pure merveille de bruit ultra mélodique, et un de mes albums préférés de cette année.

(suite et fin dans quelques jours...)

jeudi 1 novembre 2007

Musique, mensonges et petit cochon


Je n'avais pas spécialement l'intention de parler de ce sujet, mais il y a suffisamment de points à remettre sur les i, et la (lol) blogosphère belge n'en a pas spécialement parlé. D'abord, rappel des faits. Le mardi 23 octobre, les Polices britannique et néerlandaise, coordonnées par Interpol, ont invité la presse pour assister à l'arrestation d'un homme de 24 ans, dont le pseudonyme Internet était connu de plusieurs dizaines de milliers d'internautes.

Son crime? Impossible à dire, les autorités sont probablement en train de se concerter pour trouver quelque chose à lui reprocher. Ce qu'il a fait? Participer à la révolution culturelle. OiNK était le créateur du site qui portait son nom, oink.cd (autrefois oink.me.uk). OiNK (le site) était principalement un tracker bittorrent, à savoir (on va faire simple, la question n'est pas technique) une sorte d'index de fichiers qui permettaient de connecter les internautes entre eux pour s'échanger principalement des albums musicaux.

Etait-ce illégal? L'avenir nous le dira, mais, grâce au concept BitTorrent, aucun fichier musical ne se trouvait sur les serveurs conquis par la police néerlandaise, OiNK ne servait que d'interface à la disponibilité des morceaux, comme un simple moteur de recherche, comme on le verra plus tard. Mais même s'il est évident que certaines formes de téléchargement illégal ont effectivement été favorisées par OiNK, la manière dont tout ça s'est passé peut choquer.

D'abord, le tapage médiatique, et les mensonges qui ont suivi. Quelques heures après l'arrestation et les saisies, différents lobbys du disque ont piraté sans vergogne oink.cd, en y installant un message menaçant. Ceci dans l'illégalité la plus totale, et sans aucun respect de la présomption d'innocence. Pire, les communiqués de presse ont été clairement mensongers, on y apprenait, entre autres, que OiNK était un site payant. Même si les donations étaient possibles, elles n'étaient nullement obligatoires et ne fournissaient pas d'avantage en termes de téléchargement. De plus, les règles très strictes en matière de qualité sonore faisaient que les albums disponibles sur OiNK étaient de bien meilleure qualité que, disons, iTunes. On avait donc le choix entre de la bonne qualité gratuite et illégale ou de la mauvaise qualité (bit rate et DRM), chère mais légale.

C'était une évidente manipulation de la part de l'industrie du disque qui, encore plus dépassée par les événements que d'habitude, a tenté de faire peur au public et de diaboliser les terroristes de la souris. Malheureusement pour elle, les choses ne se sont pas trop bien passées.

On le sait : on ferme un site, deux s'ouvrent quelques minutes plus tard. Il était donc évident que des alternatives allaient se mettre sur pied, dont une chapeautée par The Pirate Bay, tracker suédois bien connu pour être littéralement intouchable. Même si ces sites n'ont pas encore l'ampleur d'OiNK (180 000 membres, quand même), ils démontrent ce que TorrentFreak appelle l'hydre: on coupe une tête, mais l'animal survit, plus fort encore. Évidemment, ces sites pourraient peut-être aussi subir l'ire des autorités, mais qui se fatiguera le premier?

Mais ce n'est pas le plus important. Au sein même de l'industrie, des voix dissonantes se font entendre. Pas spécialement pour défendre le vol, mais le concept même de modification de la distribution de la culture et de l'art. Le premier a été Rob Sheridan, graphiste professionnel, qui a analysé la question dans un long article, résumé et traduit ici. Le titre est évocateur : When Pigs Fly: The Death of Oink, the Dirth of Dissent, and a Brief History of Record Industry Suicide. Sans trop de surprise, c'est Trent Reznor qui a jeté un pavé dans la mare. Défenseur de la gratuité de l'artéfact culturel, il a encouragé ses fans à voler son dernier album, et a même diffusé ses propres dvd via bittorrent. Non seulement Reznor a défendu OiNK, mais il a carrément avoué en faire partie.

Il est temps que les quatre majors se rendent compte que l'exploitation du public touche à sa fin. Cette fin d'année 2007 est la plus importante dans ce domaine : on a vu la fin annoncée de la DRM, des alternatives supérieures à iTunes, la bombe Radiohead, et maintenant, cette tentative pathétique de discrédit. Ce n'est pas par la terreur qu'on vendra plus de disques. Par contre, essayer de prendre les gens un peu moins pour des cons, ça pourrait marcher. Le futur s'annonce rayonnant.

En guise de conclusion, et en parlant de futur rayonnant. Nos amis de la SABAM, qui dans le genre prendre les gens pour des cons sont assez forts, avaient demandé que les fournisseurs d'accès internet bloquent le téléchargement illégal, ce qui, en gros, est aussi facile que d'aller à la plage et de retirer tous les coquillages à lignes jaunes et blanches. C'est bien de vouloir faire respecter la loi, mais ça serait encore mieux de balayer devant sa porte, de blanchir moins d'argent et de faire moins de faux. Mais je serai magnanime, et je leur laisserai la présomption d'innocence, tout en gardant un sourire en coin.